Le jardin potager déclina au fur et à mesure de l’urbanisation, mais, d’un autre côté, cette situation réveilla l’intérêt pour ce genre de jardin. Ceci peut être attribué à de nombreux facteurs, comme les soucis posés par la production de masse : utilisation d’herbicides, de pesticides et de produits chimiques. Beaucoup de fruits et légumes du potager-maison ont une vie courte et ne sont pas appropriés au commerce pour diverses raisons, même s’ils sont meilleurs.
EGHN a sélectionné les jardins les plus exemplaires du nord de l’europe. Ce sont tous des jardins à multiples facettes, mais chacun donne la possibilité au visiteur d’envisager ce que lui-même pourrait faire dans son propre jardin ou dans des jardins communaux. Le jardin potager de Villandry (France), d’après les gravures du XVIème siècle de Du Cerceau, continue d’impressionner tous les jardiniers et les architectes de jardins qui désirent créer des jardins potagers décoratifs. Il n’y a aucun doute sur le fait que les tomates ou les pommes mangées directement après avoir été cueillies ont un goût éloigné de ce qu’il est possible de trouver en supermarché. Certains de ces jardins sont traditionnels mais d’autres sont plus tournés vers l’avenir en terme de nouvelles énergies, à travers la culture de plantes pour la biomasse.
Ces dernières années, certains des potagers du parc de Tatton (Royaume-Uni), qui date du XVIIIème siècle, ont été restaurés. Parmi les plus de 2 hectares de jardin potager, il existe un jardin de légumes pleinement productif. Le jardin de fruits a été replanté récemment et il est intéressant de voir ce à quoi aurait ressemblé un tel jardin à son commencement. La “serre aux ananas”, longue de 36 mètres, l’une des rares existantes, a été reconstruite il y a peu et inaugurée en août 2006. Considéré comme le “roi des fruits”, l’ananas était l’un des fruits les plus exotiques et difficiles à cultiver et trouvait sa place au centre de la table dressée. Les ananas vont être cultivés de façon traditionnelle, utilisant des variétés antérieures à 1911. Sam Youd, directeur horticole, affirme que cette serre est la dernière pièce du puzzle historique de Tatton. Il y existe également des serres pour les figues et les orchidées, ainsi qu’une serre pour la vigne.
L’un des jardins potagers les plus raffinés d’Europe se trouve au château van Gaasbeek près de Bruxelles (Belgique). Inauguré comme musée en 1998, il s’est développé depuis : les plantes et les arbres fruitiers ont grandi. Ce jardin est différent de celui de Tatton, cultivé avec des méthodes modernes. Néanmoins, les arbres fruitiers de van Gaasbeck sont taillés dans toutes les formes possibles : pyramides, cercles, spirales, diagonales, candélabres, etc. Certaines espèces sont rares ou historiques, essentiellement des pommiers, poiriers et pruniers. Le musée teste des techniques d’élagage ainsi que la culture de diverses espèces de poires dans des carafes, qui sont ensuite exportées en France et remplies d’eau-de-vie. Légumes, épices et fleurs sont aussi cultivés à van Gaasbeck, qui donne l’exemple d’un jardin où l’on utilise des techniques anciennes d’élagage et d’entretien, où l’on forme des jardiniers et des horticulteurs et où l’on préserve des plantes rares.
En se servant de méthodes et de plantes traditionnelles, à Painshill (Royaume-Uni), on a replanté une partie des vignes que Charles Hamilton avait développées au XVIIIème siècle. Surplombant le lac, les vignes furent productives pendant 40 ans jusqu’en 1790. Comme de nombreux éléments, elles disparurent, mais furent replantées en 1992-93 avec du Chardonnay, du Seyval blanc et du Pinot noir. De façon similaire, au château Drachenburg (Allemagne), près de Königswinter, le Landschaftsverband Rheinland, partenaire de EGHN, a réétabli les vignes oubliées au-dessus du Rhin. Elément d’un vaste domaine à l’abandon, les vignes comportent plusieurs variétés de raisins, avec des espèces modernes en hauteur et des plus traditionnelles en bas. Ceci est une production spécialisée à petite échelle, qui signifie beaucoup d’engagement puisque les variétés anciennes sont entretenues et stockées de façon traditionnelle. La production biologique de Tatton et de van Gassbeck mérite un grand prix.
Au château de Dyck (Allemagne), le jardin est l’objet d’expérimentation moderne tournée vers l’avenir. Au contraire de l’activité des sites français et anglais qui atteint son sommet l’été, au moment où ils accueillent le plus de visiteurs, Schloss Dyck est en pleine effervescence l’automne (octobre et novembre) au moment de la récolte des pommes. De surcroît, le magasin de la ferme vend des produits de saison et des casiers pour conserver les pommes l’hiver. Il existe également des jardins ornementaux, certains d’entre eux étant des jardins productifs qui peuvent servir de modèles aux visiteurs pour leurs propres jardins. En face du site principal se trouve le jardin de miscanthus (roseaux de Chine), qui comporte une série de jardins de démonstration, des sculptures, et, naturellement, les roseaux eux-mêmes, utilisés de nos jours comme source de carburant. Schloss Dyck illustre bien ce dont il se réclame : centre pour l’art et la culture des jardins. Des jardins de démonstration se trouvent également à Kijktuinen (Pays-Bas) et à Bridgemere (Royaume-Uni). Certains domaines ont utilisé ces jardins comme bases au développement de centres éducatifs, comme Schloss Dyck ou le Kreislehrgarten de Steinfurt (Allemagne), où des séminaires et des cours ont lieu.
Il existe diverses formes de jardins botaniques dans les régions choisies par EGHN : Rombergpark et Münster (Allemagne), Ness and Kew (Royaume-Uni) et Nantes (France), pour n’en citer que quelques-uns. Ils ne sont pas seulement des lieux d’exposition : nombre d’entre eux cultivent des plantes nouvelles et préservent les anciennes variétés. On trouve aussi des collections botaniques dans des parcs historiques, en particulier ceux des villes thermales. Les jardins constituaient une partie intrinsèque de la santé et du bien-être, là où le grand air, les promenades et la relaxation faisaient partie des traitements. C’est pourquoi des villes comme Bath (Royaume-Uni) possèdent certains espaces des plus importants et des espèces arboricoles magnifiques. Elles sont d’ailleurs reconnues comme patrimoine mondial par l’UNESCO. Des architectes éminents furent engagés pour développer les plans des villes thermales. En 1872, Johann Georg Kahl créa le jardin de roses pour le parc de Bad Salzulfen (Allemagne), grand de 126 hectares, dont les variétés de plantes ne cessent de se développer. Dans les années 1850, Peter Josef Lenné conçut les jardins de Bad Oeynhausen (Allemagne), qui ont toujours été retravaillés depuis. Pour le Landesgartenschau (salon horticole), en 2000, on ajouta l'”Aqua Magica”, qui relie la nature, la technologie, la santé et l’art. Ces collections, formelles ou non, représentent non seulement une source riche d’espèces botaniques, mais caractérisent également une région et participent à son expansion économique.
A une autre échelle se trouve le petit producteur et, dans beaucoup de cas, le privé qui produit ou croise certaines plantes. Il existe des associations pour les cultivateurs de fruits, légumes et de fleurs, dont de nombreux membres exposent leurs produits au niveau local ou régional. L’histoire de ces institutions est ancienne, avec des critères et des règles de culture et de production. Là où la nature fait défaut et où beaucoup vivent en appartement, les parcelles de terrain louées pour le jardinage donnent l’opportunité de cultiver son propre jardin et de pallier à ce manque. Les parcelles de King’s Lane Dawson, à Wirral (Royaume-Uni), connaissent un succès tel qu’elles sont ouvertes au public en échange d’une contribution, reversée à une oeuvre de charité. Les demandes de parcelles ont tellement augmenté ces dernières années que l’on doit maintenant s’inscrire sur des listes d’attente. Par ailleurs, les parcelles peuvent être très diverses : celles de Castrop-Rauxel (Allemagne), le long de la Ruhr, sont différentes des parcelles anglaises, essentiellement utilitaires. La conception allemande, proche de celle des Pays-Bas et de la Belgique, propose des jardins en miniature très bien entretenus, avec des fleurs, des légumes et des arbres fruitiers. Beaucoup d’entre eux possèdent des petites maisons où les familles passent la journée, voire la nuit. Ces associations sont en majorité à petite échelle, c’est pourquoi il est difficile de se faire une idée générale de ces structures en Europe du nord.